Site d’Accous montagne Arapoup 19 juin 1994. Crash d’Alain là....
Il y a des jours comme çà, où au lieu de voler on devrait rester faire la sieste...
Cette petite histoire commence autour d'un barbecue, un dimanche de juin, le jour de la fête des pères.
A ce moment-là, je ne pense pas aller volé dans la journée, je me prends un bon whisky, du bon vin pendant le repas de midi, sous un soleil de plomb et je me conditionne pour faire une bonne sieste bien mérité...
C'est sans compter sur le démon du vol qui m’ envahi la tête et qui me susurre à l’oreille,
- " Va voler mon petit gars les conditions sont bonnes".
15h00 je décide comme un seul homme, de partir voler en fin de journée...
Quelle idée!
Charger tout le matériel dans la voiture, l'échelle sur la galerie, le delta sur l'échelle, le harnais, le casque, l'alti variomètre...
Et en route pour faire les 60 Km qui me séparent de mon site de vol, Accous.
16h30 heures, j'arrive sur place, tous les copains sont là, les deltistes et les parapentistes.
Les conditions de vols sont bonnes, mais le vent de vallée faible ne permet pas de soaring sur le décollage.
Certains décollent, essayent de zoner le long des pentes du décollage, et vont droit au tapis !...
D'autres traversent la vallée, zérotent sur l'autre versant et partent au tapis !...
Misère tous ces kilomètres pour rien !!!
Je décide donc d'attendre 17 heures pour décoller, les conditions auront peut-être changés...
Je monte mon aile, prépare le matériel en blaguant avec les pots.
17h00, bon, il faut décoller car sinon je vais rentrer tard à la maison.
C'est partis, un décollage un peu brouillon, mais ça vole quand même!
C'est bizarre, mais le décollage un peu brouillon ne m’alerte pas plus que ça, alors qu'une autre fois, cela m'aurait vexé...
Je traverse la vallée en même temps qu'un parapentiste en jetant un oeil aux infortunés camarades de vols qui sont déjà au terrain en train de plier leur matos, cela me fait marrer, ça aussi c'est curieux d'habitude je suis moins moqueur!.
J'arrive sur Arapoup, l'autre versant de la vallée, a mis hauteur et j'essaye de trouver quelques ascendances salvatrices...
Mais au mieux je zérote avec un variomètre neutre.
Le copain parapentiste s'approche au ras des pentes boisées de la montagne et bingo, il monte petit à petit de quelques dizaines de mètres.
Alors c'est ça, les ascendances sont là justes au bord des pentes boisées, qu'a cela ne tienne, j'arrive, je serre mon bout d'aile à quelques mètres des cimes de boulots et de conifères, et ça marche, je monte, je monte !
Ça aussi aurait dû m'alerter, d'habitude je ne jubile pas pour si peu...
Et me voilà guilleret, pensant à tous les copains au tapis et moi prenant de l'altitude, chantant a-tu tète, tient ça aussi...
18h00 j'arrive au sommet d'Arapoup, jubilant, chantant, m'aidant de cette faible brise de pente qui ma élever jusqu’ici sans me trahir, ça aussi j'aurai dû me méfier....
Car dans les trois minutes qui suivent, l'alcool que j'avais but le midi, et qui m'a tenu positif jusque-là, me lâche au moment même ou la brise de vallée c'est arrêter de souffler pendant 3 secondes. Mon bout d'aile est partis faire la connaissance des cimes qu'il côtoyait depuis une heure. Et me voilà traversant plusieurs arbres à quarante à l'heure avant de m’immobiliser au sommet d'un boulot plus accueillant que les autres.
C'est tout de même couillon de se retrouver suspendu en haut d'une montagne, à cinq ou six mètres d'un sol très pentu, au sommet d'un boulot, un dimanche après-midi, jours de la fête des pères!
Le delta réduit en bouillie, les câbles emberlificotés dans les branches, et moi suspendu dans mon harnais, avec mon casque sur la tête, sain et sauf...
Analyse : je suis suspendu au-dessus d'un dévers conséquent, toujours attaché a ce qu'il reste de mon aile, a trop grande hauteur pour sauter dans le vide, j'ai perdu ma montre dans le crash, mais je n'ai subit aucun dommage corporels.
Et maintenant, que vais-je faire? à, tien je ne chante plus!
Je décide donc d'attendre que les copains en bas de la vallée, montent me chercher, et j'estime le temps du sauvetage à 3h00 de marche. Pourvu qu'ils viennent avec un appareil photo ça fera des souvenirs...
J'attends là, écoutant tous les bruits venant de la vallée, des bruits de moteurs de chiens qui aboient, des cloches, des voix, enfin il me semble.
- " Ca va tu es blessé? "
Mazette, déjà là les copains!
Ah non c'est un copain parapentiste qui passe au-dessus de moi et s'inquiète de ma santé.
Je réponds en criant, le plus calme possible.
- " C'est bon, pas blessé "
- " OK "
Et le voilà partis vers le fond de la vallée pour prévenir les copains, que je vais bien.
Oh là, cela doit faire une heure que je suis là,la,la,la. c'est vrai je ne chante plus, j'écoute le bruit du fond de la vallée.
J'attends, j'entends...
La c'est sur j'ai entendu un chien et des voix, et comme le soleil est passé de l'autre coté de la vallée, cela doit faire 2h que je suis pendu a mon boulot. Il doit être 8h ou 8h30 et les copains ne sont pas loin.
J'attends, pourvu qu'ils aient un appareil photo!
J'attends, j'entends...
Dong, Dong, Dong, Dong, Dong, Dong, Dong, Dong, Dong, neuf coups qu'elle a sonné la cloche de l'église d'Accous, il est 21h00 et le jour décline sur ma montagne.
Et mes voix ou elles sont mes voix, et y a plus de chien qui aboie ni de caravane qui passe...
Ils sont ou les copains ?
21h30 et il fait sombre.
La nuit envahit la montagne a grand pas et moi je suis toujours là, suspendu comme un jambon!
Tiens du bruit, bientôt un vacarme assourdissant.
FlapFlapFlapFlap, gros raffut de moteur, un hélicoptère de la protection civile balaye, a l'aide d'un projecteur, le versant où je suis planté!. Il me passe dessus plusieurs fois, le vent des pales fait bouger les branches du boulot, mais il ne me distingue pas à travers le feuillage dense de cette forêt.
Qui l'a prévenu, les copains?, et si c'est eux cela veut dire qu'ils ne viennent pas me chercher!
Et demain matin, il faut être au boulot à 8h, et ma femme et les enfants qui doivent peut-être se faire du souci, pas question de passer la nuit ici!
L’hélicoptère retourne dans le fond de la vallée, emportant avec lui espoir et vacarme!
Réfléchi Alain tu es dans de beaux draps, mais a tout problème, il y a une solution...
Un canif, j'ai un canif dans la poche de mon pantalon. Il suffit de pouvoir l'enlever, car le harnais me serre fort, et dès que je bouge trop les branches de ce punaise de boulot cassent comme du verre. Doucement, je passe ma main entre le harnais et le pantalon, j'extrais le canif, et je respire en me disant qu'il ne faut pas laisser tomber le précieux objet...
Je ne suis pas sorti de l'auberge pour autant. Il me faut attraper le tronc de l'arbre qui est a deux mètres de moi, afin de couper la sangle qui relie le harnais au delta. C'est pas gagné car il faut initier un mouvement de bascule qui fait casser les branches du boulot...
Et voilà je tiens de la main gauche le tronc du boulot et de la droite le canif qui va couper la sangle et me libérer. Je commence à couper la sangle qui me retient a cinq mètres du sol sur une pente abrupte, en pleine nuit, restons zens...
Zac, la sangle est coupée et moi je part à fond contre le tronc blanc et lisse, accroché par mes deux bras engourdis,avec le corps encore dans le harnais de vol tout en acrylique glissant...
Donc je glisse le long du tronc, jusque a ce que je me retrouve suspendu a bout de bras, a l'endroit ou le boulot a décider de rejoindre la planète perpendiculaire à sa pente raide. Courage Alain tes pieds ne sont qu'à trois mètres de la pente dangereuse, mais n'ayant plus de force dans tes bras engourdis, que peut-tu faire?
Lâcher!
BingBangBadaboum, gros choc et me voilà dans la pente faisant une ou deux cabrioles et m'arrêtant contre un autre punaise de boulot. Perte de conscience pendant une ou deux minutes, respiration coupée, puis haletante, je me retrouve au sol contre cet arbre avec mal au dos, dans les vaps, à compter mes membres qui me répondent petit à petit...
Et mes reins, ils ne sont pas cassés?, je ne sens pas mes jambes, à si je peux les bouger...
Essaye de te relever, aller il est tard et tu es encore en haut de cette montagne et comme tu n'y vois rien, c'est pas gagner!
D'abord enlever ce harnais, le casque, respirer fort reprendre ces esprits.
FlapFlapFlapFlap, gros raffut de moteur, l'hélicoptère est revenu il cherche... a 500 mètres de là où je suis!
Tant pis je descend à pied même de nuit, tâtonnant dans le noir, le harnais de vol avec parachute de secours sur le dos, avec a l'esprit ma femme et mes enfants qui s'inquiètent. Pars là, non plutôt là, toutes ces ronces qui s'accrochent au harnais et qui en font un boulet à porter. Je décide de me débarrasser du harnais car je ne pourrais pas aller bien loin avec lui.
Attention c'est un trou, là une crevasse, là il faut faire demi-tour car la végétation est trop danse, le fond de la vallée est encore bien loin! Je me confectionne un bâton pour sonder devant mes pieds.
L'hélicoptère abandonne pour la deuxième fois. Et moi je descends petit à petit, en fait comme je suis monté, l'heure tourne, peut-être minuit ou une heure... Et tout à l'heure au boulot à 8h.
J'appelle, "Oh Eh il y a quelqu'un?", toutes les dix minutes car on me cherche peut-être à pied?
Dangereux la montagne la nuit, aucun chemin praticable, juste quelques couloirs d'avalanche qui me permettent d’avancer ver la sortie. S'il faut dormir ici je me repère un coin moins pourris que les autres, à ce qu'il me semble et je m'y repose , un quart d'heure pas plus, je constate toutes les griffures de ronces qui m'ont lacéré le visage et les mains mais je ne peux me résoudre à dormir là, je suis peut-être près du but.
Je descends encore une bonne demi-heure en criant régulièrement "Oh Eh, il y a quelqu'un?"...
Quand soudain une voix me répond!
- " Tu es ou ? "
- " Ici devant toi "
- " Ne bouge pas j'arrive "
- " Non c'est moi "
Je traverse les broussailles devant moi pour enfin arriver à la lisière d’un champ, un jeune homme contant de me voir viens à ma rencontre, et s'arrête net en voyant ma tête à la lueur de sa lampe de poche.
- " Ne bouge pas je vais chercher les secours "
- " Pas besoin de secours, je veux de l'eau "
- " Tu es blessé tu saignes de la tête "
- " Ce n'est rien, c'est les ronces, je veux de l'eau, tu en as de l'eau "
- " À la voiture, deux champs plus loin "
- " On n'y va! lui hurlai-je dessus!
Ce que l'on peut -être con dans ces moments-là...
Le jeune homme me ramena au terrain d' atterrissage, m’ expliqua que plusieurs personnes étaient en train de me chercher le long de la montagne et que l’hélicoptère ne me trouvait pas !
Sur le terrain un groupe tenait un briefing pour orienter les recherches, et le pilote de l'hélicoptère fit une drôle de tête en me voyant arriver.
- " Pars où êtes-vous descendu de la haut "
- " En suivant ma bonne étoile pardis "
- " Vous êtes fou, c’est très dangereux de nuit, il y a pleins de crevasses! "
- " Sûrement, mais moi je rentre chez moi maintenant, car je bosse à 8h!. "
Et voilà je suis rentrés chez moi à 3h30 du matin, j'ai raconté l'histoire à ma femme, j'ai pris une bonne douche pour pouvoir enlever les ronces qui étaient coincées dans mes cheveux, et j'ai dormi deux heures car a 7h le réveil m'a rappelé à l'ordre pour le boulot...
Le lendemain, j'ai aussi mis à jour mon vaccin antitétanique mais pas anti-conneries car ça n'existe pas encore !!!
Pour la petite histoire, mes copains m’apprirent qu’ils n’avaient jamais pensé monter me chercher à pied, car le dévers était trop important, et j’étais trop haut.
Ils ont appelé les secours tout de suite après le crash, mais ils ont annulé l’opération quand le copain parapentiste, qui m’a survolé, leur à signalé que j’allais bien, que j’étais posé au sol, et que je pliais mon aile...
Pour ça oui, elle était pliée mon aile,et moi j’étais pendu comme un jambon et de cinquante mètres au-dessus il n’en avait rien vu!!!
Bilan des pertes = 1 Delta (Garuda), 1 harnais avec parachute de secours, 1 Alti et 1 Vario, 1 montre, 1 déplacement d’hélicoptère, 20 bonhommes a ma recherche jusqu’à deux heures du mat, 1 Femme et 2 enfants inquiets.
Bilan des gains = Je me connais mieux, je n’attend plus après les autres, mon vaccin antitétanique est à jour.
Une équipe de six personnes pour retourner sur place, 15 jours plus tard,
pour décrocher les restes du delta et tenter de retrouver le harnais, le vario, l’alti...
Après une journée de recherche seul les débrits de l’aile sont retrouvé. La densité de la végétation, la pente abrupte, ont rendu le reste inaccessible...
Réaction d’un membre de l’équipe de récupération,
- " Dire qu’il y a des gens qui partent en Amazonie pour vivre l’aventure, il n’ont qu’à faire du Delta ! "